Les électeurs du Monténégro ont participé massivement (72%) aux élections législatives qui se sont déroulées le 16 octobre dans cette petite République balkanique (600 000 habitants). Avec 41,1% des suffrages, le parti du Premier ministre sortant, Milo Dukanovic, arrive en tête mais perd 4,5 points par rapport à 2012. Membre du Parti socialiste européen, le Parti démocrate des socialistes (DPS), historiquement issu de la Ligue des communistes du temps de l’unité de la Yougoslavie, a depuis longtemps tourné casaque, et porte activement les projets d’adhésion à l’UE et à l’OTAN.
M. Dukanovic qui est dirige le pays depuis vingt-cinq ans, soit comme chef de l’Etat, soit comme chef du gouvernement, a proclamé sa victoire, mais aura besoin de plusieurs partenaires pour former une coalition.
Face à lui, le Front démocratique (FD) rassemble différentes formations souvent de gauche (dont le Parti communiste), mais aussi nationalistes, qui ont en commun l’opposition à l’intégration euro-atlantique et la volonté de renouer des liens forts avec la Serbie voisine. Il obtient 20,6% des voix, contre 22,8% précédemment. Le nouveau mouvement Kljuc (la clé), qui englobe notamment une scission du parti au pouvoir, obtient pour sa part 10,7% des suffrages. Il se prononce pour l’intégration au sein de l’UE, mais demande un référendum sur l’OTAN. Enfin, un autre nouveau parti, le Monténégro démocratique, également issu d’une scission, et classé au centre, rassemble 10,5% des votants.
Le dirigeant du FD, Andrija Mandic, a affirmé que ces résultats donnaient la majorité aux trois partis opposés à la reconduction de M. Dukanovic.
La journée du vote a connu d’importantes tensions, puisqu’une vingtaine de personnes, accusées de comploter afin de s’emparer du pouvoir en de fomentant des attentats terroristes, ont été arrêtées par la police, qui a accusé ces « suspects » d’être liés à la Serbie. Le Premier ministre serbe a vigoureusement démenti, en laissant entendre que cette mise en scène visait à peser sur le vote des électeurs de la petite république voisine avec laquelle Belgrade entretient des rapports difficiles. Pour sa part, le M. Dukanovic a implicitement dénoncé la volonté de la Russie de le déstabiliser.
La question de l’adhésion du Monténégro au sein des structures euro-atlantiques est en effet brûlante, et divise le pays. Si ce dernier devait rejoindre l’Alliance atlantique, la Serbie, qui entretient de bons rapports politiques, historiques et culturels avec la Russie, serait alors le seul Etat de la région avec la Macédoine à ne pas être membre de l’OTAN.
Le scrutin venait d’ailleurs en prolongement d’une crise au sein de la majorité parlementaire sortante, qui elle-même faisait suite à un important mouvement de protestation déclenché en octobre 2015. Organisées par le FD, les mobilisations exigeaient alors un gouvernement de transition et des élections anticipées, en mettant en avant la corruption manifeste gangrénant le pouvoir, l’autoritarisme de celui-ci, et sa volonté d’imposer l’adhésion à l’OTAN. La répression des manifestations fut brutale.
Il n’est pas certain que le vote du 16 octobre ait contribué à stabiliser la situation, bien au contraire. Les tractations parlementaires en vue de former la prochaine coalition pourraient être tendues.