Dans un discours tenu dimanche 9 avril à Izmir (Ouest de la Turquie), le président Recep Tayyip Erdogan a comparé l’Union européenne à un « homme malade ». Chacun a compris le clin d’œil cruel : « l’homme malade de l’Europe » a longtemps été l’expression utilisée par les diplomaties occidentales pour désigner l’empire ottoman avant la Première guerre mondiale. La paternité de la formule est attribuée au Tsar Nicolas Ier.
L’homme fort d’Ankara a précisé qu’après le référendum qu’il organise dimanche 16 avril à propos de la réforme constitutionnelle conçue pour lui donner des pouvoirs quasi absolus, la question de l’adhésion de la Turquie à l’UE serait « à nouveau sur la table ». Elle est théoriquement à l’ordre du jour depuis les années 1960, et les négociations ont été officiellement ouvertes avec Bruxelles en 2005. Celles-ci sont aujourd’hui gelées, et la perspective d’adhésion apparaît de plus en plus improbable.
Le président Erdogan, qui a longtemps milité pour ce rapprochement, semble aujourd’hui bien moins intéressé : d’une part, ses rêves de grandeur néo-ottomane sont désormais peu compatibles avec l’alignement au sein de l’UE ; d’autre part, de nombreux Etats membres actuels ont exclu cette perspective, et mettent en avant l’autoritarisme et la répression qui sévissent en Turquie ; et, surtout, la perspective d’embarquer dans une galère qui prend l’eau de toute part ne fait plus rêver grand monde en Turquie. D’où l’ironie sur l’« homme malade ».
Il n’est pas certain que le « message d’unité et d’engagement pour le projet européen » impressionne beaucoup le président turc
Et ce n’est probablement pas le sommet prévu pour ce lundi 10 avril entre les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Europe du sud qui risque de marquer un tournant historique. Le président français, le chef du gouvernement italien, le Premier ministre grec, ses collègues portugais et maltais, ainsi que le président chypriote sont reçus par le Président du Conseil espagnol, Mariano Rajoy.
D’après ce dernier, les dirigeants réunis à Madrid ont l’intention de lancer « un message d’unité et d’engagement vis-à-vis du projet d’intégration européenne à un moment décisif de notre histoire ». On notera que François Hollande n’a plus que quelques semaines à l’Elysée, que Paolo Gentiloni dirige un gouvernement faible et transitoire jusqu’à des élections qui pourraient survenir en Italie dans les prochains mois, et qu’Alexis Tsipras, plus impopulaire que jamais en Grèce après ses derniers reniements imposés par ses créanciers européens, s’applique à éviter des élections anticipées où il serait battu à plates coutures par l’opposition de droite.
Bref, il n’est pas certain que le « message d’unité et d’engagement pour le projet européen » impressionne beaucoup le président turc. Pas plus que les peuples européens, du reste.