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Au G20, deux dossiers de confrontation stratégique

Merkel, hôte du G20

Libre échange et climat : les élites mondialisées ont confirmé leurs deux priorités, mais n’ont pas maîtrisé le trublion Trump

Le G20 qui s’est tenu les 7 et 8 juillet à Hambourg fut tout sauf un événement anodin. Certes, il faut d’emblée rappeler les réserves qu’on devrait avoir sur une telle institution : la réunion des vingt pays qui s’arrogent sans le dire le statut de directoire mondial – au motif qu’ils sont réputés les plus riches de la planète – entre en totale contradiction avec le principe fondateur de l’Organisation des Nations Unies d’égalité en droits entre tous les pays, quelle que soit leur taille, leur puissance, leur richesse.

Pour autant, la réunion tenue dans la cité hanséatique a eu le mérite de pointer les deux priorités absolues des « élites mondialisées », priorités qui avaient été rappelées par l’hôte du sommet, Angela Merkel : le libre échange et le climat. Sur ces deux dossiers qui tiennent tant à cœur aux pédégés des multinationales, aux dirigeants des grands pays occidentaux, et à la caste médiatico-politique qui entend donner le la au monde entier, les contradictions ne sont pas minces ; elles se sont incarnées en la personne du trublion Donald Trump.

Le sommet a également été marqué par deux événements qui se sont déroulés en marge de celui-ci

Outre ces deux dossiers qui ont donné lieu à des affrontements jusqu’au dernier moment, le sommet a également été marqué par deux événements qui se sont déroulés en marge de celui-ci.

Le premier est la rencontre entre les présidents russe et américain. Prévue pour durer une demi-heure, elle s’est prolongée plus de deux heures. L’hôte la Maison Blanche l’a qualifiée de « formidable ». Elle notamment débouché sur un premier résultat concret : la mise en place effective d’une zone de désescalade en Syrie. Quand on connaît le martyr de ce pays plongé dans la guerre depuis 2011 par la volonté des puissances occidentales, et la dimension particulièrement stratégique de ce conflit pour l’avenir du Moyen-orient et du monde, on ne peut que se réjouir de ce signal.

Le second est pour l’heure passé presque inaperçu : le président américain a promis au Royaume-Uni qu’un accord commercial entre Londres et Washington pourrait être conclu « très, très rapidement ». Il faut certes prendre cette annonce avec prudence, tant Donald Trump nous a habitués aux déclarations contradictoires et aux revirements. Mais si cela devait se confirmer, il s’agirait d’une véritable bombe placée sous le siège de l’Union européenne.

Le libre échange, essence de la mondialisation

Au centre des débats de Hambourg, l’enjeu du libre échange est au cœur même de la mondialisation. Il en constitue même l’essence, si l’on donne à celui-ci la quadruple dimension inscrite dans les traités européens depuis l’origine : libre circulation des marchandises et des services, mais aussi et plus encore des capitaux, ainsi que de la main-d’œuvre.

La délégation américaine a finalement accepté que le communiqué final dénonce le si honni « protectionnisme », mais a obtenu que soient légitimés des outils de protection des économies nationales, outils qui battent en brèche la toute puissance – dans le monde réel et dans l’idéologie – du libre échange.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes : le chef du plus puissant Etat impérialiste s’érige en contradicteur de la doxa du « monde libre »

Ce n’est pas le moindre des paradoxes : que le chef du plus puissant Etat impérialiste, lui-même milliardaire et vraiment très peu porté sur le « social », s’érige en contradicteur de la doxa la plus sacrée du « monde libre », voilà de quoi déstabiliser les tenants du système mondialisé. S’il le fait, c’est évidemment moins par amour pour la classe ouvrière américaine que pour défendre les intérêts de certains groupes US menacés dans leur hégémonie, et peut-être aussi parce que certains penseurs sont lucides sur la course à l’abîme que constitue l’accélération de la mondialisation.

Quant au deuxième terrain d’affrontement – le climat, et plus généralement l’environnement – il met également aux prises le président américain et ses « partenaires » du G20, plus particulièrement les Occidentaux (que MM. Trump et Poutine se soient éclipsés ensemble à peine un quart d’heure après le début de la discussion plénière sur ce sujet pourrait être un indice que Vladimir Poutine non plus n’est pas un fanatique de la défense des hamsters de la pampa).

Tous ceux qui croient de bonne foi que la protection de la planète et de la nature est un thème progressiste devraient s’interroger

Tous ceux qui croient de bonne foi que la protection de la planète et de la nature est un thème progressiste devraient s’interroger sur cette confirmation qu’ont livrée Angela Merkel, Emmanuel Macron et autres Jean-Claude Juncker : la défense du « climat » et l’accord de Paris – soutenus bec et ongles par les multinationales (y compris pétrolières) et les dirigeants européens (mais aussi chinois, japonais, canadiens…) – sont parfaitement cohérents et complémentaires avec la foi en le libre échange. Car le système économique et social sur lequel celui-ci est basé s’avère de plus en plus incapable de développer les forces productives. Il faut donc qu’il secrète l’idéologie qui va avec et qui le justifie. En l’occurrence : la « sobriété heureuse ».

En d’autres termes : l’austérité pour tous les peuples.

C’est peu de dire que les manifestants qui avaient investi Hambourg, des plus pacifiques aux plus violents, sont passés à côté du cœur du sujet : le libre échange. Pire : en mettant en avant massivement des thèmes environnementaux, ils ont convergé de facto avec le combat de la chancelière allemande, du président français et de quelques autres sommités.

La prochaine fois, les Black Blocks, s’ils veulent être totalement cohérents, seraient bien inspirés de lancer des cocktails Molotov bas carbone.

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