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« L’OTAN menace notre sécurité », écrivent trois intellectuels soucieux de la paix

« L’OTAN menace notre sécurité ». C’est le titre d’une tribune publiée le 2 avril sur le site Internet du quotidien suisse Le Temps. Signé par Gabriel Galice, président de l’Institut international de recherche pour la paix à Genève, Daniele Ganser, historien (auteur du livre Les Armées secrètes de l’OTAN), et Hans von Sponeck, ancien Secrétaire général adjoint de l’ONU, le texte est on ne peut plus clair et direct dans son propos : « Ce n’est pas la Russie qui menace l’Europe, mais les États-Unis et ses alliés de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) qui déstabilisent le monde ».

Citons-en l’introduction : « L’OTAN masse des troupes et des armes aux marches de la Russie. Nous tenons à exprimer notre inquiétude devant la propagande qui déforme la réalité des menaces qui pèsent sur la paix. Cette propagande insidieuse fabrique des ennemis imaginaires pour justifier le surdéveloppement de dépenses militaires, des conquêtes de territoires ou de “parts de marché”, des prises de contrôle d’approvisionnement énergétique et pour corroder la démocratie. »

Reproduisons également cette précision importante : « Quoi que nous pensions du régime russe, le principal défaut de Vladimir Poutine (et de bien d’autres pays du monde), aux yeux des Occidentaux, est de cesser d’acquiescer aux volontés hégémoniques occidentales. »

Et encore ce passage : « Tandis que la CIA a surveillé l’élection présidentielle française de 2012, que la NSA, espionne partout entreprises, organisations et particuliers, la mode est d’imputer aux dirigeants russes une ingérence directe dans les élections américaines, françaises, allemandes. »

On souhaiterait qu’il soit possible de publier un tel texte dans un « grand journal » français, ne serait-ce que pour permettre à un semblant de débat d’émerger quant à l’OTAN et à la politique étrangère des puissances occidentales.

Paranoïa anti-russe

Le lendemain de la mise en ligne de cette tribune, un événement venait en confirmer l’esprit. En effet, le service de renseignement lituanien, présentant le 3 avril son rapport annuel sur l’évaluation des menaces, a affirmé très sérieusement que la Russie avait la capacité de déclencher une attaque contre les pays baltes en moins de 24 heures, limitant les options de l’OTAN pour y répondre efficacement.

Mettant en avant l’augmentation des dispositifs militaires l’année dernière dans la région de Kaliningrad, Vilnius s’inquiète de ce qu’elle perçoit comme de l’impréparation, craignant que l’Alliance atlantique ne fasse pas le nécessaire pour être prête à réagir à une guerre d’agression russe, une perspective que l’on peut raisonnablement estimer comme très improbable.

Les pays baltes – Lituanie, Lettonie et Estonie – sont membres à la fois de l’Union européenne et de l’OTAN. La rhétorique anti-Moscou est très présente dans le discours des dirigeants, qui ne cessent d’alerter sur la « menace russe ». Ils demandent régulièrement aux États-Unis et à l’Alliance atlantique de prendre des mesures supplémentaires pour anticiper une invasion de la région par les troupes du « régime de Poutine », une initiative que certains s’efforcent presque de présenter comme imminente.

« Une russophobie totale, une russophobie hystérique se répand en ce moment » – Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin

Le ministre de la Défense lituanien, Raimundas Karoblis, a déclaré en marge de la présentation du rapport : « Le temps de réaction de l’OTAN n’est pas aussi rapide que nous le voudrions. » Les responsables des pays baltes insistent sur la solidarité que se doivent les membres de l’OTAN, le principe de la défense collective étant au cœur du traité fondateur de l’Alliance atlantique (une attaque contre un membre de l’OTAN est considérée comme une attaque dirigée contre tous les pays de l’Alliance).

Les commentateurs des médias et partis installés oublient souvent de préciser que les États baltes (comme d’autres pays de l’Est) hébergent des troupes, du matériel et des exercices militaires dans le cadre de la force de dissuasion euro-atlantique dirigée explicitement contre Moscou. De même, un fait édifiant est rarement – voire jamais – rappelé : la Russie a deux bases militaires à l’étranger, tandis que les États-Unis en ont… 725.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réagi aux accusations lituaniennes en parlant d’un déferlement de sentiments anti-russes : « Une russophobie totale, une russophobie hystérique se répand en ce moment ».

Terminons en citant la conclusion de la tribune parue dans Le Temps : « Non, l’OTAN, devenue une alliance offensive, n’assure pas notre sécurité. Misons sur l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), dialoguons avec la Russie et mettons en œuvre les articles 46 et 47 de la Charte de l’ONU, stipulant un comité d’état-major auprès du Conseil de Sécurité. »

Ruptures, dont le rôle est avant tout d’informer, espère aussi contribuer à l’expression de telles idées et favoriser le légitime débat que ces questions devraient susciter.

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