Le président du groupe socialiste à l’europarlement a relayé, de manière caricaturale, une campagne tendant à dévoyer le vote des Britanniques. Tant à Londres qu’à Bruxelles, les élites mondialisées rêvent de vider le Brexit de son contenu.
Parmi les 500 millions de « citoyens européens », tout le monde connaît Gianni Pittella. Tout le monde, ou presque.
A l’attention des 99% d’ignares, précisons tout de même que cet illustre personnage est le patron du groupe socialiste et social-démocrate au sein de l’europarlement.
Il est probablement l’homme le plus important de l’Union européenne. Il s’octroie en effet le droit de dire qui, parmi les gouvernements des Etats membres, est légitime ou pas. En témoigne son dernier gazouillis (« tweet ») adressé au premier ministre britannique, Theresa May : celle-ci a désormais « perdu trop de temps » et doit donc « démissionner ». Car, martèle le Dottore Pittella, Mme May « n’a plus aucune crédibilité au Royaume-Uni et en Europe ».
On a beau connaître l’arrogance et la désinvolture de la tribu des eurocrates, on reste pantois devant un tel oukase
On a beau connaître l’arrogance et la désinvolture de la tribu des eurocrates, on reste pantois devant un tel oukase, qui s’immisce sans gêne dans la politique intérieure d’un Etat (encore) membre. Et qui relaye ainsi des politiciens britanniques qui rêvent de voir déguerpir l’actuelle locataire du 10 Downing street. C’est le cas du leader du Parti travailliste, pour des raisons tactiques qu’on peut comprendre.
Mais c’est également le cas de rivaux potentiels de Mme May au sein du Parti conservateur. Dans ce cas, des ambitions personnelles se conjuguent à un objectif fondamental qu’une large part de la caste dominante britannique mondialisée n’a pas abandonné : à défaut de revenir sur le Brexit, vider celui-ci de sa substance.
Campagne mensongère
De Londres à Bruxelles, une campagne bat son plein en ce sens, sur le thème : les électeurs ont infligé un camouflet à Theresa May, ils voulaient exprimer ainsi leur opposition à un « Brexit dur » (pour schématiser, ledit « Brexit dur » est le refus du premier ministre de céder au chantage : poursuite de l’accès au marché unique pour les firmes anglaises en échange de la poursuite de l’immigration européenne vers la Grande-Bretagne).
Ainsi, l’éditorial du Monde daté du 10/06/2017 croit pouvoir se réjouir : « tout se passe comme si le oui au référendum sur le Brexit, le 23 juin 2016, avait ouvert une séquence politique cauchemardesque pour le royaume. Ce qui n’est pas surprenant ». Pas surprenant… mais faux.
Les Conservateurs restent le premier du pays, et progressent en voix comme en pourcentage (+5,5 points) par rapport à 2015, lorsqu’ils étaient menés par le pro-UE David Cameron.
Car une telle campagne tord délibérément les résultats des élections du 8 juin. Certes, Mme May a manqué son pari de renforcer son leadership puisqu’elle perd sa majorité absolue. Il reste que son parti reste le premier du pays, et progresse en voix comme en pourcentage (+5,5 points) par rapport à 2015, lorsque les Conservateurs étaient menés par le pro-UE David Cameron.
La chef du gouvernement a annoncé son alliance avec le parti unioniste nord-irlandais, le très conservateur DUP. Du coup, les augures tant à Londres qu’à Bruxelles prédisent avec gourmandise que Theresa May ne passera pas l’été.
Certes, au Royaume-Uni comme partout ailleurs, tout peut arriver. On conseillera cependant aux pronostiqueurs intéressés, de même qu’à l’immense M. Pittella, de ne pas trop prendre leurs désirs – ou leurs oukases – pour des réalités.
D’abord parce que Mme May pourrait être plus dure à cuire qu’ils ne l’imaginent. Ensuite et surtout parce que la majorité du peuple britannique n’a nullement basculé : elle reste partisane de quitter le navire européen. De le quitter vraiment.