Un ministre du gouvernement Syriza proche d’Alexis Tsipras a déclaré au journal grec Avgi (9 avril) qu’afficher une vision pro-européenne sans soutenir un authentique fédéralisme « n’a pas de sens ». Selon lui, il faudrait donc que tous ceux qui veulent rester dans le cadre de l’UE mettent leurs actes en conformité avec leurs paroles et plaident en faveur des États-Unis d’Europe (qui évidemment devraient être « sociaux » dans son esprit). Une recommandation à transmettre au leader de la « France insoumise »…
Dans l’interview dont EurActiv a rendu compte, Nikos Pappas, ministre de la la Politique numérique, des Médias et des Télécommunications, allié fidèle du Premier ministre Alexis Tsipras, estime que tous les pro-UE – cela inclut donc Syriza – devraient renforcer leur rhétorique fédéraliste et plaider ouvertement pour une véritable intégration.
Les remarques de M. Pappas s’adressaient en partie à l’opposition grecque (droite), à laquelle il suggère d’être cohérente en combinant ce qui devrait aller de pair selon lui : européisme et fédéralisme. Mais, plus largement, il encourage tous les partisans – plus ou moins contrariés – de l’Union européenne à se déclarer clairement en faveur d’avancées fédéralistes : une allocation chômage européenne, un budget de l’UE plus élevé, une union bancaire approfondie ou le renforcement des pouvoirs du Parlement européen.
Cet appel aux États-Unis d’Europe constitue une utile clarification, a fortiori quand il vient d’un représentant de la « gauche radicale » (on remarque que les observateurs emploient moins souvent cette expression pour qualifier le gouvernement mené par Syriza – il n’est jamais trop tard pour trouver les mots justes…). Bien sûr, M. Pappas souhaite pour sa part une « Europe sociale », une idée neuve et originale dont chacun peut voir qu’elle est sur le point de s’imposer.
Jean-Luc Mélenchon, le Tsipras français autoproclamé
Cette profession de foi euro-fédéraliste d’un haut responsable de Syriza constitue une bonne occasion de rappeler la teneur du message que Jean-Luc Mélenchon avait adressé au peuple hellène – qui ne lui avait rien demandé – avant les élections législatives grecques du 25 janvier 2015 :
« Je ne vais pas vous dire ce qui est bon pour la Grèce, vous le savez mieux que moi. Et c’est d’ailleurs pourquoi vous allez voter Syriza. […] Et si je vous appelle à voter pour Syriza, c’est d’abord dans l’intérêt du peuple français. »
Une chose était correcte dans cette prédiction audacieuse : les Grecs ont en effet privilégié Syriza lors du vote, Alexis Tsipras devenant Premier ministre le lendemain de l’élection. Pour le reste…
Et quand Jean-Jacques Bourdin, le 20 janvier 2015 (sur BFM TV), demande à Jean-Luc Mélenchon – qui travaille alors à une alliance Front de gauche-EELV-frondeurs du PS –, « Vous êtes le Syriza de France, quoi, si j’ai bien compris ? », le futur « insoumis » en chef répond : « Ah bah depuis longtemps, puisque ça fait des années que nous travaillons ensemble. »
« L’Europe, pour être sauvée, a besoin de solutions européennes » – Nikos Pappas, ministre Syriza proche d’Alexis Tsipras
Le 5 juillet 2015, les Grecs rejettent par référendum (à 61 %) les conditions imposées par la troïka pour un 3e « plan de sauvetage ». Alexis Tsipras, pourtant à l’initiative de la consultation, s’empresse de s’asseoir sur le résultat et cède tout aux créanciers.
Comment Jean-Luc Mélenchon réagit-il à cette trahison manifeste du peuple grec et de la démocratie ? Ainsi : « on peut considérer qu’il y a là une erreur dans le combat qui a été faite. Mais, à partir de là ça ne le disqualifie pas lui. Donc moi je reste solidaire de Tsipras » (propos recueillis par Télé Bocal et l’Agence Info Libre, le 16 juillet 2015 à Paris, dans une manifestation pour dire « non » aux politiques d’austérité mais… « oui » à Syriza).
Dans son interview, Nikos Pappas a également déclaré, exprimant la vision du gouvernement grec : « L’Europe, pour être sauvée, a besoin de solutions européennes ». Voilà qui ferait un beau slogan pour tous les Tsipras décomplexés d’Europe. Mais, dans le cadre d’une campagne électorale, le marketing politique et la « com’ » excluent une telle franchise. N’est-ce pas, M. Mélenchon ?
Laurent Dauré
Nous reviendrons en détail dans la prochaine édition de Ruptures (que les abonnés recevront la semaine prochaine) sur les négociations en cours entre Athènes et ses créanciers autour du nouveau « plan de sauvetage ».