Le gouvernement polonais ne décolère pas. Lors du sommet européen des 9 et 10 mars, il entendait au moins freiner un peu la réélection de Donald Tusk comme président du Conseil européen. Car sur la scène politique intérieure, M. Tusk, qui dirigea un gouvernement libéral conservateur (PO) de 2007 à 2014, a pour ennemi juré Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS, parti ultra-conservateur revenu au pouvoir fin 2015.
Beata Szydlo, qui dirige le gouvernement depuis cette date, a fait valoir qu’il était impensable qu’une « personne (M. Tusk) qui n’a aucun soutien dans son propre pays, puisse devenir président du Conseil européen ». Elle a présenté une autre personnalité polonaise – un eurodéputé inconnu dans le Landerneau bruxellois – comme candidat alternatif.
Ce faisant, elle a déclenché l’incompréhension, la colère, ou l’ironie de ses vingt-sept collègues. Même les trois autres pays du groupe de Visegrad (qui associe la Pologne à la Tchéquie, à la Slovaquie et à la Hongrie) n’ont pas soutenu Mme Szydlo. En France et en Allemagne notamment, la presse pro-UE a moqué le fait que Varsovie ne comprenait décidément rien aux mécanismes européens.
Tout cela dans un contexte où les dirigeants polonais sont en conflit ouvert avec la Commission européenne dans différents dossiers (Cour constitutionnelle, liberté de la presse…) dans lesquels la Pologne est accusée de bafouer « les valeurs fondamentales de l’UE ». Mme Szydlo a d’ailleurs accusé son compatriote Donald Tusk d’être complice de Bruxelles dans ses tentatives de « renverser » son gouvernement, et le Conseil d’être une « coterie » manipulée par Berlin. Ambiance…
Dans l’espoir de mettre des bâtons dans les roues au renouvellement de M. Tusk (en place depuis août 2014, et candidat pour deux ans et demi supplémentaires), la chef du gouvernement polonais, peu avant d’entrer en séance, avait même menacé de quitter le sommet au cas où son point de vue ne serait pas pris en compte.
Finalement, il n’a fallu qu’une demi-heure pour que vingt-sept Etats membres confirment M. Tusk à son poste (soit largement au-delà de la majorité qualifiée nécessaire), laissant ainsi la Pologne toute seule et humiliée dans sa revendication. Et Mme Szydlo s’est résolue à participer à la suite des débats. Une astuce de procédure toute bruxelloise a permis que le document final soit publié sans l’aval de la Pologne. En principe, l’adoption se fait par consensus ; cette fois, le texte est intitulé « Conclusions du président du Conseil européen ».
« Sous prétexte qu’ils reçoivent des fonds européens, les pays de l’Est devraient être obéissants ? » – Beata Szydlo
Après la réunion, Beata Szydlo n’a pas caché sa rancœur. Interrogée lors de sa conférence de presse sur le risque de se mettre à dos ses « partenaires » de l’UE alors que la Pologne continue de recevoir des fonds bruxellois considérables (via le mécanisme de péréquation communautaire), elle a fait remarquer que ladite manne retournait en large partie vers les grandes firmes ouest-européennes, par exemple dans le cadre de projets d’infrastructures. Ce qui, pour le coup, est loin d’être faux. Elle s’est en outre indignée : « ainsi, sous prétexte qu’ils reçoivent des fonds européens, les pays de l’Est devraient être obéissants ? ».
Elle a enfin confirmé le rejet par son pays – partagé par plusieurs Etats membres d’Europe centrale – du concept d’« Europe à plusieurs vitesses », désormais prôné par Berlin et Paris. Et elle s’en est prise particulièrement à François Hollande : « je serais donc censée prendre au sérieux le chantage d’un dirigeant dont la popularité est à 4%, et qui ne sera bientôt plus président ? ».
Il n’y pas à dire : l’Union européenne est décidément un outil irremplaçable pour rapprocher les pays et conforter l’amitié entre les peuples…