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Trahis même par les sondages…

étude d'opinion le monde

Le Monde (10/07/2018) vient de publier les résultats de son enquête annuelle sur l’état de l’opinion française. Réalisée en partenariat avec Sciences-Po et la Fondation Jean Jaurès, elle est intitulée « Les fractures françaises » et repose sur un sondage évoquant une grande diversité de thèmes.

Parmi ces derniers figure l’Union européenne. Cette dernière sort en lambeaux des questions posées à l’échantillon d’un millier de personnes. Pourtant, il convient de le préciser d’emblée : ce n’est pas parce qu’un sondage va dans le sens d’idées qu’on défend que ses indications chiffrées doivent être considérées comme fiables. En revanche, il est intéressant de situer cette enquête dans le contexte des affrontements politiques présents. Et ce, au moment où la popularité du président de la République plonge – c’est en tout cas ce qu’indiquent plusieurs autres enquêtes récentes.

Près d’un tiers des sondés (31%) qualifient l’appartenance à l’UE de « mauvaise » ou de « très mauvaise » chose

Selon l’étude réalisée fin juin, il n’y a plus que 53% des Français pour considérer que l’appartenance à l’UE est une « bonne » ou « très bonne » chose, alors que ce chiffre était encore à 58% en juin 2017. Près d’un tiers des sondés (31%) qualifient au contraire cette appartenance de « mauvaise » ou de « très mauvaise ». C’est même le cas d’un ouvrier sur deux, ce qui est cohérent avec une polarisation sociale régulièrement vérifiée dans les urnes : dans les catégories les plus populaires, l’UE est le plus rejetée, alors que les personnes les mieux loties socialement la plébiscitent.

Cette indication sociale recoupe un constat politique : c’est bien chez les électeurs d’Emmanuel Macron que Bruxelles recueille la popularité maximale. Quant aux partisans de Marine Le Pen, ils souhaitent, à 68%, la sortie de la monnaie unique. Cette proportion a nettement grimpé en un an… alors même que le Rassemblement national (ex-Front National) a récemment cru habile d’effacer cet objectif de son programme, pensant sans doute que ce ralliement aux thèses « mainstream » contribuerait à améliorer sa popularité.

Enfin, près de deux personnes interrogées sur trois (64%) estiment qu’il faudrait renforcer les prérogatives nationales au détriment de Bruxelles.

On devrait se garder de prendre ces chiffres au pied de la lettre, tant les biais sont nombreux. Ainsi, on a demandé aux sondés s’ils estimaient que l’UE a suffisamment contré les décisions commerciales prises par Donald Trump. C’est le type même de question biaisée : ceux qui ont formulé la question ont implicitement exclu que des personnes interrogées puissent approuver les mesures protectionnistes américaines…

Démenti brutal

Ce qui est en revanche remarquable dans cette étude est qu’elle vient démentir brutalement les enquêtes (notamment l’« eurobaromètre » commandé régulièrement par la Commission européenne) récemment effectuées. Sur la base de ces dernières, les partisans de l’intégration européenne étaient unanimes : les citoyens de l’UE, un peu partout, se seraient pris d’un regain d’amour pour cette dernière.

Ces enquêtes d’opinion effectuées dans les pays membres constituaient même la seule consolation des dirigeants européens, alors même que, scrutin après scrutin, les électeurs votent de plus en plus pour les partis s’affichant (ou se prétendant) critiques vis-à-vis de l’intégration européenne. Le dernier exemple en date est évidemment l’Italie.

Dans les « narratifs » (anglicisme désignant les histoires élaborées par les services de propagande officiels), la France constituait du reste une illustration de ce retour de flamme en faveur de l’Europe, à travers l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017.

Les sondages, arme préférée des faiseurs d’opinion, se retourneraient-ils même contre ce dernier « bastion » ?

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