La Suède s’apprête à réintroduire le service militaire obligatoire qu’elle avait aboli il y a huit ans. Certes, on peut considérer que la conscription est, pour un pays, bien préférable à une armée de métier, car elle fait reposer la défense du territoire sur le peuple. C’était l’esprit qui avait animé les Révolutionnaires français de 1793.
On s’en doute, ce n’est pas précisément cette motivation et ce modèle qui inspirent le ministre suédois de la Défense. Dans une interview diffusée par la radio publique SR, Peter Hultqvist a justifié ainsi sa décision, qui devrait entrer en vigueur dès l’année prochaine : « nous avons beaucoup de difficultés à assurer les effectifs de nos unités militaires [prévues pour être renforcées] sur la base du volontariat ».
Il est difficile de ne pas faire le lien avec la fébrilité qu’affiche le gouvernement : depuis en particulier quelques mois, celui-ci manque rarement l’occasion de décrire une menace russe, tantôt aérienne, tantôt d’infiltration par des agents secrets. Un numéro téléphonique est même progressivement mis à disposition des citoyens qui souhaiteraient signaler des comportements ou des actes suspects à cet égard.
Comme le rapporte Le Monde (08/12/16), « les habitants (…) sont priés d’envoyer par SMS une photo, les coordonnées géographiques et l’heure exacte à laquelle l’activité suspecte a été constatée. Ils sont invités à rapporter ‘tout ce qui sort de l’ordinaire dans leur environnement; Une personne dont la présence les fait réagir, ou une voiture qui ne devrait pas être là, près de leur domicile, ou d’un endroit sensible pour la sécurité du pays, par exemple’ ».
Depuis quelques mois, le gouvernement manque rarement l’occasion de décrire une menace russe
En arrière-plan, certains officiels souhaitent mettre sur le tapis l’adhésion du pays à l’OTAN. Aujourd’hui, la Suède est, à côté de la Finlande, de l’Autriche et de l’Irlande, l’un des rares membres de l’UE à ne pas être intégré militairement dans l’Alliance atlantique. Une des dernières rencontres de l’ex-président américain Barack Obama fut du reste avec les dirigeants des pays nordiques pour envisager une « coopération plus poussée » avec Washington.
Cela fait déjà quelques années que la neutralité suédoise, héritée de l’Histoire de l’après-guerre, est écornée dans les faits. Elle avait jadis fait la fierté du pays et été défendue en particulier par les gouvernements sociaux-démocrates. Les temps changent : c’est un gouvernement également social-démocrate qui est à la manœuvre. Cette perspective d’adhésion à l’OTAN reste cependant très impopulaire.
Et tout cela dans un contexte où certains dirigeants européens entendent relancer l’« Europe de la Défense », et voient dans ce projet une solution à la crise multiple dans laquelle est plongée l’Union européenne. L’année 2017 pourrait constituer un tournant à cet égard – c’est du moins ce qu’on espère à Bruxelles. Ce domaine est d’ailleurs l’un des points cruciaux du Livre Blanc sur l’avenir de l’UE à Vingt-sept que vient de publier la Commission.
En attendant, les autorités de Stockholm guettent toute tentative d’invasion. Car c’est l’évidence : après n’avoir fait qu’une bouchée des pays baltes, ce qui ne saurait tarder, l’armée russe ne manquera pas de prendre ses quartiers dans le Royaume de Suède.