« Nous avons besoin d’élections, nous en avons besoin maintenant ». C’est en ces termes que le Premier ministre britannique a annoncé le 18 avril, à la surprise générale, des législatives anticipées. L’actuel Chambre des Communes a confirmé le 19 avril, à la majorité des deux tiers, sa propre dissolution. Le scrutin aura lieu le 8 juin prochain. Avec naturellement un thème central : le Brexit.
Theresa May, qui avait succédé à David Cameron un mois après le référendum du 23 juin 2016 en faveur de la sortie du Royaume-Uni, avait pourtant indiqué qu’elle ne souhaitait pas précipiter l’échéance électorale du printemps 2020. Elle a justifié son revirement en pointant les divisions au sein du Parlement britannique. Celles-ci « affaiblissent la position du gouvernement dans la négociation avec l’Europe » alors qu’« en ce moment capital pour le pays, l’unité devrait prévaloir à Westminster ».
Bref, il s’agit d’arriver en position de force aux négociations qui vont s’ouvrir avec Bruxelles. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE doivent se réunir le 29 avril pour s’entendre sur les grandes lignes de ces négociations face à Londres. La Commission intégrera cette position dans ses recommandations détaillées, qui seront rendues publiques le 3 mai. Celles-ci deviendront alors le mandat de négociation après que le texte aura été validé par le Conseil de l’UE, le 22 mai. Les pourparlers proprement dits devraient s’ouvrir en juin, avec un gouvernement britannique renforcé et conforté.
Sondages extrêmement favorables
C’est en tout cas ce qu’escompte Mme May. Car, si cette dernière ne le dit pas, elle fonde son pari sur des sondages aujourd’hui extrêmement favorables à son parti, les Conservateurs. Moyennant les 43% que leur accordent les enquêtes opinions, ceux-ci pourraient gagner jusqu’à 100 sièges supplémentaires, alors qu’ils ne peuvent compter actuellement que sur une courte majorité d’une douzaine de sièges (330 sur 650 députés).
A l’inverse, les Travaillistes sont donnés grands perdants, d’autant qu’ils sont minés par de profondes divisions : leur leader, Jeremy Corbyn, n’a cessé de se voir mettre des bâtons dans les roues par les caciques du parti qui le trouvent bien trop à gauche. Ces derniers lui reprochent également d’avoir été trop « mou » dans la campagne contre le Brexit.
Dans la plupart des circonscriptions acquises aux Travaillistes, les votes favorables au Brexit ont été majoritaires
Il est vrai que dans la plupart des circonscriptions acquises aux Travaillistes, les votes favorables au Brexit ont été majoritaires, ce qui complique encore leur positionnement pour la campagne qui démarre.
Le parti libéral-démocrate s’est immédiatement, quant à lui, positionné comme « le parti des 48% », autrement dit de ceux qui souhaitaient rester dans l’UE. Il pourrait ainsi espérer effacer la défaite historique qu’il avait subie en 2015. Le Parti national écossais a été prompt à saisir l’occasion pour justifier le mandat du Parlement d’Edimbourg en faveur d’un nouveau référendum d’indépendance, « pour protéger l’Ecosse » des « Conservateurs anglais ». Enfin, le UKIP – qui milite depuis toujours pour une sortie de l’UE du Royaume-Uni – devra jouer serré pour tenter de justifier son existence, alors que son fonds de commerce lui est désormais volé…
Coudées franches
Theresa May entend donc, à travers la future majorité qu’elle espère, disposer des coudées les plus franches pour négocier un Brexit « dur » avec Bruxelles, c’est-à-dire sans craindre qu’une poignée de ses propres députés puisse, à l’issue des négociations, ou même avant, faire capoter le processus. Certains observateurs pensent également qu’elle se protège aussi des partisans « extrémistes » du Brexit, qui militent pour faire un bras d’honneur sans rien négocier avec l’UE, et pour se rapprocher en revanche du monde anglo-saxon.
Au-delà des contingences politiciennes, si Mme May obtient le résultat qu’elle espère, elle aura non seulement conforté sa stature personnelle, mais elle aura surtout liquidé tout espoir qui pouvait être nourri ici et là d’une future volte-face du Royaume-Uni : personne ne pourra plus arguer que les électeurs auraient été trompés sur la nature du Brexit en faveur duquel ils avaient majoritairement voté en juin dernier.
« Cela ne change rien à nos principes de négociation », a très vite réagi en substance le porte-parole de la Commission. Mais dire qu’il a exprimé du ravissement face à cette annonce venue soudain de Londres serait légèrement excessif…
Une page entière sera consacrée à l’état actuel du dossier Brexit dans l’édition de Ruptures à paraître fin avril. Si ce n’est déjà fait, il est encore temps de s’abonner…