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« Un peu de populisme est bien compréhensible » (selon Bruxelles…)

Mateo Renzi

La date du référendum italien portant sur des réformes institutionnelles a finalement été fixée au 4 décembre. Les électeurs devront se prononcer sur une « modernisation » du système politique passant notamment par la marginalisation du Sénat. Ce dernier jouit aujourd’hui de prérogatives égales à celles de la Chambre des députés, ce qui ralentit considérablement le rythme des réformes, avait argué le Premier ministre pour justifier la modification constitutionnelle. Matteo Renzi a été vivement encouragé dans cette voie par Bruxelles.

Le chef du gouvernement italien avait initialement lié son avenir politique à l’issue de la consultation, comptant sur son image d’homme qui bouscule les conservatismes pour faire gagner le Oui. Dans les derniers mois cependant, cette popularité s’est notablement affaiblie, et M. Renzi s’est publiquement mordu les doigts d’avoir annoncé sa démission en cas de victoire du Non.

Ce qui n’a pas manqué de rassembler une coalition informelle contre lui, qui va des amis de Silvio Berlusconi au Mouvement cinq étoiles du comique Beppe Grillo (qui a le vent en poupe, comme l’ont montré les récentes municipales). Au sein de son propre parti (Parti démocrate, PD, affilié aux sociaux-démocrates européens), le chef du gouvernement compte également pas mal d’adversaires qui ne seraient pas fâchés de le faire trébucher.

Pour sa part, la grande centrale syndicale CGIL a également appelé à voter Non, pour des raisons sociales (cf. Ruptures du 27/09/16). Autant dire que la position de Matteo Renzi n’est pas très enviable. Les dernières enquêtes donnent le Non à 35,5%, le Oui à 29,6%, avec 34,9% d’indécis.

C’est pour tenter de reprendre l’avantage que le président du Conseil multiplie désormais les attaques visant l’Union européenne et l’Allemagne – tel est en tout cas l’analyse des observateurs de la vie politique italienne. M. Renzi avait déjà gâché l’ambiance au sommet de Bratislava, le 16 décembre (cf. Ruptures du 27/09/16) : à peine les conclusions des Vingt-sept publiées, il s’en est bruyamment dissocié, pointant en particulier sa mauvaise humeur sur le dossier des réfugiés, sur lequel il a regretté le « manque de solidarité » des ses partenaires (l’Italie est aux premières loges) ; ou bien sur celui de la relance économique, qu’il juge plombée par le Pacte de stabilité.

Un peu de populisme de sa part est bien compréhensible.

Un haut diplomate à propos de Matéo Renzi

Le dirigeant italien réclame ostensiblement des dérogations de la part de Bruxelles en matière de déficit budgétaire (Rome a annoncé un budget 2017 avec un déficit de 2,4%, au-dessus du niveau de 1,8% précédemment convenu avec Bruxelles). Plus discrètement pour ne pas alerter à l’excès les marchés, il en veut également à la Commission et à Berlin de ne pas permettre une exception autorisant un sauvetage sur fonds publics de certains établissements bancaires. La situation du secteur, grevé par des créances irrécouvrables, inquiète du reste les spécialistes.

Bref, M. Renzi a renouvelé ses tirades enflammées contre des « technocrates et bureaucrates européens sans âme et sans cœur ».

Les dirigeants des autres Etats membres ne semblent pas, cependant, s’en émouvoir outre mesure, conscients du contexte électoral qui motive le président du Conseil. Du reste, une victoire du Non au référendum n’aurait pas que des conséquences intérieures.

L’Union européenne, déjà confrontée à une « polycrise », et en butte à une impopularité croissante, a encaissé un choc considérable avec le vote britannique en faveur du Brexit, le 23 juin dernier. Une démission de M. Renzi, et des élections anticipées donnant une possible victoire au Mouvement cinq étoiles amplifieraient encore le cauchemar des partisans de l’intégration européenne.

D’où la confidence recueillie par le site spécialisé EUobserver, qui cite un haut diplomate européen commentant les propos de Matteo Renzi : « un peu de populisme de sa part est bien compréhensible ».

Une mansuétude pour le moins inhabituelle…

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