Le ministre néerlandais des Affaires étrangères a démissionné pour avoir menti en citant de faux propos de Vladimir Poutine. Ruptures livre ici une interprétation ironique – à lire au second degré – de cet épisode batave.
Plusieurs médias français ont rapporté une étrange affaire, en l’occurrence la démission surprise du ministre néerlandais des Affaires étrangères. Suppôts de la Russie, ceux-ci, dont Le Figaro et Ouest-France, ont en revanche soigneusement caché à leurs lecteurs qu’il s’agissait, à l’évidence, d’un nouveau complot ourdi par Moscou.
Résumons : Halbe Zijlstra confie, le 12 février, au grand quotidien batave De Volkstrant, qu’il a menti en 2016 lorsqu’il a raconté une réunion à laquelle il aurait assisté dix ans plus tôt dans la « datcha » de Vladimir Poutine. Cette confession tardive a déclenché l’ire des parlementaires hollandais, au point que M. Zijlstra a dû quitter ses fonctions le 13 février.
En fait de mensonge, ce dernier s’était contenté de répéter une évidence largement admise par les dirigeants occidentaux : le président russe ne rêve que d’attaquer, occuper et annexer les pays voisins (et sans doute au-delà).
Du coup, et c’est finalement un péché très véniel, le malheureux M. Zijlstra avait compensé par un peu d’imagination ce que son oreille n’était pas sûre d’avoir capté. Devant les militants de son parti – le libéral VVD de l’actuel premier ministre Mark Rutte – il a ainsi claironné en 2016 : « j’étais assez loin mais j’ai entendu clairement la réponse de Poutine sur ce qu’il considérait comme la ‘Grande Russie’ », en l’occurrence : « la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine, les pays baltes et le Kazakhstan ». Et naturellement, reconstituer cette Grande Russie est l’objectif de l’hôte du Kremlin.
« certains au Parlement craignent que ce mauvais pas du ministre ne profite à Moscou »
Ce récit était fait dans de bien innocentes intentions, ont noté plusieurs journalistes hollandais : il s’agissait de montrer à ses camarades de parti ses connaissances étendues en géopolitique, alors qu’il guignait déjà le ministère des Affaires étrangères. Il obtint finalement celui-ci lors de la formation du nouveau gouvernement issu des élections de mars 2017.
Petit problème cependant : Ouest-France relate que désormais, « certains au Parlement craignent que ce mauvais pas du ministre ne profite à Moscou ». Il n’y a que les naïfs pour ne pas comprendre qu’il s’agit en réalité d’un coup monté par les services russes.
Et pour cause : par définition, mensonges et fausses nouvelles, bref, « fake news », sont l’apanage exclusif des autorités russes et de leurs agents stipendiés. Et l’on imagine mal, en effet, des dirigeants d’un pays membre de l’Union européenne et de l’OTAN – qui plus est, un ministre – inventer un bobard, a fortiori si celui-ci risque de nuire à l’objectif européen fondamental de relations pacifiques avec la Russie…
PS : plus sérieusement, il sera intéressant de savoir ce que pense de l’affaire la majorité des citoyens du pays, ceux-là mêmes qui avaient voté en avril 2016 contre l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine. Les dirigeants ukrainiens, notoirement antirusses, avaient dénoncé un vote « faisant le jeu de Moscou ». Un an plus tard, le Parlement néerlandais contournait le verdict populaire, ouvrant la voie à l’accord d’association.