Partages

Poutine veut déstabiliser Macron, paraît-il

Emmanuel Macron fait l’objet d’une tentative à grande échelle de déstabilisation qui vise à lui barrer la route de l’Elysée. Et le grand manitou qui en tire les ficelles n’est autre que le locataire du Kremlin. Telle est la thèse du bras droit du candidat, exprimée dans une tribune publiée par Le Monde le 14/02/17.

Deux semaines après que le secrétaire général d’En Marche, Richard Ferrand, en eut appelé, dans ce texte, « au Président de la République et au gouvernement », aux « présidents des deux chambres parlementaires », aux « journalistes français » et aux « dirigeants des grands réseaux sociaux » pour faire obstacle à cette conspiration ourdie « par une puissance étrangère », où en est-on ?

Force est de constater que, contre toute attente, la puissance de feu du Kremlin n’a – très étrangement – pas encore réussi à ne faire qu’une bouchée des biens modestes soutiens médiatiques dont le candidat a bénéficié et bénéficie continûment depuis des mois. Car que pèsent les Unes successives et répétées du Point, de l’Express, de l’Obs ou de Challenges face à la terrible propagande de Moscou ?

Cet acharnement anti-Macron est d’autant plus injuste que son plus sérieux concurrent, François Fillon (quoi qu’on pense de son programme par ailleurs), est, comme l’on sait, totalement épargné par tous les médias et tous les réseaux sociaux, au point qu’il mène une campagne sereine et décontractée sans nul contradicteur. Sans doute parce que, de notoriété publique, il est le chouchou du marionnettiste Vladimir Poutine qui fait la pluie et le beau temps dans la campagne électorale française…

Plus sérieusement, sur quoi M. Ferrand appuie-t-il ses mises en gardes ?

D’abord, il assemble pêle-mêle différentes facettes du complot russe : attaques informatiques incessantes et massives, déchaînement des affidés du Kremlin qui répandent des fausses nouvelles (« fake news ») sur les réseaux sociaux, et influence éhontée des chaînes RT et Sputnik au sein du public français. « Ces deux médias sont intégralement financés par l’Etat russe », tempête le député PS macroniste, donc ils « sont moins des médias d’information que des organes de propagande classique ». Si l’on comprend bien, être financé sur fonds publics vous transforme en propagandiste de bas étage. Mais alors quid de France 24, de la BBC ou de la Deutsche Welle, qui sont chargées de porter la voix de leur pays dans le monde ?

Et il pointe plus particulièrement deux calomnies présumées. D’abord, Sputnik a relayé les propos d’un député LR, selon lesquelles Emmanuel Macron « serait financé par le très riche lobby gay », sous entendu en raison de son homosexualité cachée. Certes, attaquer un candidat sur sa vie privée – quelle que soit la réalité des affirmations, et a fortiori si elles sont fausses – est condamnable, ne serait-ce que parce que cela parasite le débat politique (et, en l’occurrence, permet d’occulter le véritable ultra-libéralisme de l’ex-ministre de l’Economie). Tout juste peut-on observer qu’au regard du cœur de l’électorat potentiel d’Emmanuel Macron, où ne figurent pas précisément les grenouilles de bénitier de Sablé sur Sarthe, ladite calomnie ne semble pas potentiellement si ravageuse, certains ajouteraient même peut-être : au contraire.

La seconde indignation, en revanche, est de nature fort différente. Emmanuel Macron serait « un agent américain au service du lobby bancaire ». Mais qu’est-ce donc que ce « lobby bancaire », si ce n’est un autre nom du « monde de la finance » que François Hollande désignait naguère comme son ennemi, et qu’il a combattu avec la détermination et l’intransigeance que l’on sait ? (Rappelons que c’est notamment grâce à cette mâle promesse que M. Ferrand a été élu député socialiste en 2012).

Il ne s’agit donc pas ici de rumeur sur sa vie privée, mais d’un constat peu confidentiel : le jeune Macron, avant d’être secrétaire général-adjoint de l’Elysée, fut associé puis gérant de la banque Rothschild. Ce qui n’est ni contraire au droit, ni aux bonnes mœurs (dans leur acception actuelle, du moins). Mais ce qui laisse en revanche à penser que les quelques amis qui lui ont conseillé de se lancer dans la course présidentielle se recrutent probablement plus chez les banquiers d’affaires que parmi les OS de chez Renault ou les caissières de chez Auchan.

Est-ce donc une si odieuse calomnie d’imaginer qu’il serait plus tenté de défendre les intérêts des premiers que des seconds ?

En réalité, martèle Richard Ferrand pour expliquer l’acharnement anti-Macron présumé, le candidat d’En Marche est le « seul au sein des candidats à l’élection présidentielle (qui) plaide pour une Europe forte ». C’est une évidence : avec un thème si populaire, l’ancien protégé de Jacques Attali gagnerait dès le premier tour s’il n’y avait pas ce président russe pour prendre en otages les électeurs français (comme il s’apprête à le faire pour leurs homologues allemands, selon le consensus des services de renseignements occidentaux).

Pour Richard Ferrand, l’acharnement contre Emmanuel Macron s’explique facilement : le candidat d’En Marche est le « seul (qui) plaide pour une Europe forte »…

Quelques jours après la publication de cet appel dans le quotidien du soir, un chroniqueur du même journal, dans une analyse intitulée « Une présidentielle sous influence » (17/02/17), déplorait que « trois des quatre principaux candidats en lice vouent (à Vladimir Poutine) une admiration – ou du moins une sympathie – assumée, revendiquée » ; s’indignait que certains prissent ainsi « le parti de l’étranger » ; et assénait que, décidément, « Poutine est notre obsession nationale ».

Gageons que cette « obsession » va continuer de nous être servie jusqu’au jour du scrutin. Et probablement après.

Retrouvez cet article en allemand sur RT-deutsch

Partager :