Actu Perles

Respect du suffrage universel : pour Le Monde, une exigence à géométrie variable ?

Macron Londres

Dans son édition datée du 11 mai, Le Monde publie un éditorial exigeant – c’est son titre – « un peu de respect pour le suffrage universel ! ».

Le quotidien de référence des élites dominantes s’agace en effet de voir certains contester la légitimité du président élu : « c’est un étrange procès qui a été engagé, sans perdre une minute, contre le nouveau chef de l’Etat : il serait un président minoritaire, en dépit des 66% des suffrages qui se sont portés sur son nom ». Et le journal de pointer l’argument de ses adversaires, selon lequel Emmanuel Macron n’a rassemblé, au deuxième tour, que 43,6% des électeurs inscrits. Or, rappelle notre confrère, tous les présidents de la cinquième République – à l’exception de Jacques Chirac en 2002 – furent également élus avec l’assentiment de moins de la moitié des citoyens. Ce qui est incontestable.

Mauvais procès…

Bref, ce serait un mauvais procès, et un mépris de la démocratie que de chicaner ainsi les règles du suffrage universel.

Cette indignation serait après tout respectable… si elle n’était à géométrie variable. Ainsi, le 23 juin 2016, une majorité d’électeurs britanniques ayant déposé un bulletin dans l’urne s’étaient prononcés en faveur du Brexit. Immédiatement, il n’a pas manqué de partisans de l’intégration européenne, abasourdis et révoltés par ce verdict populaire, pour brandir le même argument : rapportés à l’ensemble des inscrits, les partisans de la sortie de l’UE étaient minoritaires. Le Monde, à l’époque, s’est benoîtement fait l’écho de cette « démonstration » sans s’indigner outre mesure.

Le Monde a accueilli dans ses colonnes des tribunes dont l’objet était de contester la force juridique du référendum britannique, et donnant diverses raisons pour passer outre à ce dernier

Mieux : dans les jours qui ont suivi le scrutin, des manifestations se sont déroulées à Londres – au sein desquelles les expatriés, français notamment, étaient bien représentés – pour demander que le référendum soit annulé ; des défilés analogues ont également surgi dans quelques grandes villes européennes. Aucun éditorial du Monde n’en a pris particulièrement ombrage. (Pour sa part, le candidat Emmanuel Macron, lors de sa campagne, s’était rendu à Londres, et avait qualifié le Brexit de « crime » – photo ci-dessus).

Le quotidien a relaté, ce qui est normal, les recours devant les tribunaux contre la sortie du Royaume-Uni – mais n’a publié aucun commentaire qui s’en serait ému. Mieux : il a accueilli dans ses colonnes des tribunes dont l’objet était de contester la force juridique d’un scrutin malgré les 52% de « Leave » (pour la sortie)… et donnant diverses raisons pour passer outre à ce dernier.

« Un peu de respect pour le suffrage universel ! » tonne Le Monde. L’exigence aurait gagné à être un peu plus… universelle.

Partager :