Nous avions recensé avec délectation l’encyclique « sur la sauvegarde de la maison commune » du pape François – Laudato si’ – publiée en amont de la COP 21 (édition de Ruptures du 27 octobre 2015). L’Église a confié à certains éminents catholiques une mission ingrate : assurer le service après-vente de ce vade-mecum écolo-spirituel. C’est le cas d’Elena Lasida, enseignante en économie à l’Institut catholique de Paris, qui en suit la réception tout en en promouvant le contenu.
Le Journal de l’environnement a publié le 23 mai une interview de Mme Lasida. Le média en ligne nous apprend qu’elle « est chargée du pôle Écologie et Société, au sein du service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France, qui accompagne la transition, tant spirituelle que matérielle, des communautés vers une écologie intégrale. » L’entretien est si généreux en déclarations saugrenues que l’on pourrait le reproduire en intégralité, ce que n’a pas manqué de faire – mais avec un sérieux papal – EurActiv, partenaire régulier du Journal de l’environnement. Contentons-nous de quelques morceaux choisis :
– « Dans une quinzaine de diocèses en France, un délégué diocésain à l’écologie intégrale va être nommé ». Ces « délégués diocésains à l’écologie intégrale » seront-ils sous l’autorité du cardinal Hulot ? Quelques lecteurs facétieux auront peut-être trouvé malin de se demander si l’écologie intégrale avait un rapport avec l’épilation du même nom… Eh bien, ce n’est pas notre cas, se moquer des écolo-balivernes garantissant un aller simple pour l’Enfer des verts (une centrale nucléaire) ;
– « un label “Église verte” sera lancé en septembre prochain, avec les protestants et les orthodoxes, à l’image d’une initiative britannique, Eco Church. » Si le label « Église verte » avait été inventé 500 ans plus tôt, les guerres de religion n’auraient pas eu lieu. En effet, rien de mieux pour pacifier les esprits que l’écommunion. Désormais, avant d’entrer dans une église, il conviendra de s’assurer qu’elle a la vignette adéquate (ainsi on saura, par exemple, si le curé coupe bien l’eau bénite pendant qu’il se brosse les dents) ;
– « On s’interroge aussi sur la manière de favoriser la biodiversité dans les cimetières ». Il semble pourtant que l’activité principale des cimetières favorise déjà la biodiversité… ;
Avec les religions, qu’elles soient de nature écologiste ou métaphysique, la question de la foi est centrale. Tout comme est cardinale la culpabilisation, voire la mortification des hommes.
– « La rubrique “style de vie” concerne tout ce qui touche à la consommation lors des rassemblements : achat de nourriture, type de vaisselle utilisée, et aussi type de déplacement, covoiturage pour aller à la messe, etc. » Pour se rendre à la messe, le plus approprié c’est de faire appel à BlaBlaCar.
– « les moniales dominicaines de Taulignan (Drôme), […] ne pouvaient plus cultiver elles-mêmes leurs terres, et louaient leurs vignes. Constatant la baisse des rendements, elles ont sollicité Pierre Rahbi [ainsi que les spécialistes des sols Claude et Lydia Bourguigon]. Tout a été arraché et elles se sont lancées dans la production de plantes médicinales. » Les vignes ont donc été rahbiboisées. Au passage, drôle de méthode pour pallier la baisse des rendements… Conseil santé de l’Église : consultez nos moniales plutôt que des médecins. Rappelons que les prétendues « médecines douces et alternatives » sont des pratiques qui n’ont pas été validées par la science. Vive l’obscurantisme vert !
L’éco-conversion de l’Église n’est finalement pas surprenante, l’écologisme dominant et la religion ayant plusieurs traits majeurs en commun : le rejet de la méthode scientifique, les croyances irrationnelles, les appels abstraits à la communion planétaire, les injonctions morales qui tournent autour des notions d’abstinence, de modération, de respect de « l’ordre naturel ».
Avec les religions, qu’elles soient de nature écologiste ou métaphysique, la question de la foi est centrale. Tout comme est cardinale la culpabilisation, voire la mortification des hommes. Les prêtres des différentes écolobédiences enjoignent aux êtres humains la modestie face à « la création », il s’agit d’entraver le progrès et le développement, de limiter les possibilités d’émancipation collective par la science et la technique.
Et c’est ainsi que les religions et l’écologisme convergent également vers la promotion de la décroissance, une doctrine qui fait un parfait auxiliaire des politiques d’austérité (et de la promotion – plus ou moins assumée – de la désindustrialisation). Elle permet d’habiller celles-ci d’une justification morale : serrez-vous la ceinture, c’est pour le bien de la planète. On perçoit l’indécence de l’injonction quand elle s’adresse aux plus modestes, à qui l’on demande d’accepter les privations et de se résoudre à une vie « sobre ».
Pour le pape François comme pour Nicolas Hulot, il importe de « remettre les hommes à leur place ». Et bien sûr de leur servir de guide, de berger. Les brebis ne font pas de politique et se satisfont de leur sort…
Laurent Dauré