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L’inquiétant faux poisson d’avril de la Commission européenne

Kit de survie

La Commission européenne a demandé aux Etats membres de mettre au point un « kit de survie de 72 heures » qui puisse être utilisé par les citoyens en cas de crise majeure.

Bruxelles cite différentes hypothèses, dont des catastrophes naturelles, des accidents industriels, des attaques malveillantes dans les domaines cybernétique… mais aussi militaire. Bref, pour faire face en particulier à un soudaine attaque russe, une perspective que les dirigeants européens et de nombreux grands médias s’efforcent de présenter comme une menace désormais bien réelle.

L’information a été rendue publique le 26 mars. Dès lors, on pouvait donc penser qu’un zélé fonctionnaire européen avait fait fuiter quelques jours trop tôt un poisson d’avril concocté par la Commission, avide de montrer qu’elle ne manquait pas d’humour et était même capable d’autodérision.

On s’attendait donc à ce que les services de communication bruxellois précisent, sur le même ton enjoué, le contenu dudit kit. A commencer par une provision de légumes et de fruits bio afin de promouvoir dans le même mouvement l’agriculture durable et favorable à l’environnement.

De même, ne manqueraient pas de préciser les pince-sans-rire de la Commission, les circonstances dramatiques pouvaient constituer l’occasion de faire la part belle à l’alimentation végétarienne, puisque la conservation de la viande fraîche est peu compatible avec une réclusion de quelques jours dans des bunkers de protection.

Dans un autre domaine, le kit de survie pourrait opportunément inclure des lance-roquettes en pièces détachées que les enfants se feraient un plaisir de monter. Cela constituerait pour ces derniers une distraction de choix, et soulagerait ainsi leurs parents, légitimement préoccupés d’amuser les bambins lors de ces soixante-douze heures de confinement. Surtout, les armes ainsi réalisées seraient fort utiles pour, le moment venu, canarder les cosaques défilant sur les Champs-Élysées ou sur l’avenue berlinoise Unter den Linden.

Les plus riches d’entre les citoyens seraient aussi incités à troquer leur Tesla contre un char Leclerc facilement entreposable dans leur propriété. Cela encouragerait l’industrie française et l’inciterait à inventer une version électrique de ces blindés – un grand service à rendre à la planète. Cerise sur le gâteau : cela ferait enrager Elon Musk.

Autre composante essentielle du kit : le texte intégral des directives et règlements européens entrés en vigueur depuis deux ans, outil indispensable à la distraction des enfants, voire à l’apprentissage de la lecture des plus petits, et bien sûr à l’édification des parents.

De manière plus ludique, les communicants créatifs de l’UE n’allaient pas manquer de recommander l’inclusion d’un jeu de fléchettes à l’effigie du président russe, afin de maintenir un niveau suffisant de conscience quant à la responsabilité des malheurs du monde, et à la nécessaire punition du coupable en chef.

Bref, on attendait avec gourmandise et l’on savourait déjà l’imagination des humoristes eurocrates.

Comment dès lors expliquer cette étrange initiative ?

Hélas, hélas… Rien ne vint. Le kit demandé par Bruxelles n’était donc nullement une blague. Comment dès lors expliquer cette étrange initiative ? Car elle manque pour le moins d’un rationnel convaincant.

Admettons un instant la thèse des dirigeants européens, selon laquelle la Russie constitue une menace, désormais aussi militaire. La possession par les citoyens ukrainiens d’un kit permettant la survie autonome pendant trois jours aurait-elle en quoi que ce soit changé le cours de la guerre, dont la phase la plus chaude dure désormais depuis plus de trois ans ?

Par ailleurs, dans le cas de la France, que signifie l’hypothèse d’un confinement imposé par une attaque russe ? Une telle hypothèse suppose que les « intérêts vitaux » du pays seraient percutés. Une situation que la dissuasion nucléaire est censée éviter, sauf à envisager une guerre atomique qui deviendrait mondiale en quelques instants. Dans ces conditions, le kit de soixante-douze heures apparaît bien dérisoire.

L’évocation d’un « kit de survie » est de nature à nourrir bien des fantasmes et bien des angoisses

Dans ce contexte, l’initiative de la Commission répond probablement à des objectifs moins avouables. Mais assez faciles à imaginer.

Il n’est pas exagéré d’estimer que l’évocation d’un « kit de survie » est de nature à nourrir bien des fantasmes et bien des angoisses. Il peut installer un climat de psychose collective. Et un tel climat est propice à la mise en place de mesures économiques et sociales qui, en temps normal, seraient refusées massivement par les peuples.

Mais si l’installation de psychoses se fait au départ sur la base d’éléments artificiels, voire inventés de toutes pièces, les conséquences, ensuite, peuvent être bien réelles, et s’alimenter elles-mêmes.

Il est toujours dangereux de jouer avec le feu. Plus encore dans la période actuelle.

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