Les études se suivent et se ressemblent. Elles confirment la montée inexorable de la précarité et de la pauvreté. Cela vaut en particulier pour les pays de l’Union européenne (qui promettait pourtant, dès le Traité de Rome, d’assurer le bien-être et la prospérité…) ; les Etats membres les plus riches, dont la France, ne sont nullement épargnés.
C’est ce que vient de montrer une enquête réalisée par le SPF, une des plus grandes organisation caritatives françaises, associé à l’institut de sondage IPSOS qui a travaillé dans dix pays (dont sept de l’UE).
Plusieurs chiffres illustrent ce constat de manière effrayante. On note ainsi que 29% des sondés affirment se trouver durablement en situation de précarité. Et plus d’un sur deux (51%) a dû se priver, dans les six derniers mois, dans au moins un domaine vital : santé, alimentation, chauffage. En particulier, pour les dix pays confondus, 37% des personnes interrogées ont déclaré avoir renoncé à certains soins médicaux. La France et l’Italie sont précisément à ce niveau.
Le chiffre est le même (36%) pour les personnes se privant d’éléments essentiels pour leurs enfants, tels que les frais médicaux, les frais de scolarité, l’habillement, ou même les repas.
Sans surprise, la Grèce est l’un des pays les plus mal lotis. Depuis la crise de 2008, des sacrifices considérables – salaires, retraites, services publics… – ont été imposés à ce pays par les dirigeants européens. On se souvient que la « Troïka », formée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne, et le FMI, était alors à la manœuvre pour élaborer les plans d’austérité successifs et les faire accepter par le gouvernement national, alors dirigé par Alexis Tsipras. Mais ce dernier, pourtant catalogué « gauche radicale », avait préféré se soumettre au diktat – malgré un non massif exprimé par référendum en juillet 2015 – afin que le pays puisse rester dans la zone euro…
Aujourd’hui encore, outre les sacrifices dans les domaines essentiels de la vie, 60% des sondés en Grèce affirment faire appel à des proches pour se faire prêter ou donner de l’argent. Et 75% d’entre eux précisent se restreindre sur leurs besoins de transport.
La patrie de Socrate avait été l’un des premiers pays où la classe moyenne a été touchée par les privations. Ce phénomène s’étend désormais en Europe, précise l’étude du SPF. Et la France n’est pas épargnée. Ainsi, 58% des Français interrogés affirment redouter de tomber à court terme dans la précarité. Et 45% d’entre eux s’estiment en difficulté pour payer des actes médicaux. Enfin, 32 % ne peuvent pas se procurer une alimentation saine et en quantité suffisante pour faire trois repas par jour. La viande est le premier poste sacrifié, mais l’achat de fruits et légumes frais est aussi lourdement concerné.
Et tous ces indicateurs se sont aggravés depuis la précédente enquête. Ce n’est évidemment pas une surprise, au regard de l’inflation galopante depuis dix-huit mois, une inflation qui percute tous les pays de la zone euro. Lors de son discours solennel du 13 septembre, la présidente de la Commission européenne a tenté de souligner que celle-ci ralentissait depuis le pic d’octobre 2022 où elle avait culminé à 10,6%. En réalité, le rythme mesuré s’est encore établi à 5,3% en août 2023, très loin devant l’augmentation des salaires et des retraites.
Selon les pays, ce sont les dépenses de santé qui ont le plus plombé les budgets des ménages, dans d’autres, le prix de l’énergie. En France, les prix de l’alimentation ont bondi de 22% en 2022 par rapport à 2021. Ce rythme annuel devrait s’établir à + 11,8% pour 2023 selon les prévisions pour ce secteur.
Les principes et les politiques de l’UE, qui constituent son ADN, contribuent massivement à appauvrir les peuples
Bien sûr, l’Union européenne n’a pas l’exclusivité en matière de pauvreté et de précarité. Celles-ci font des ravages sur tous les continents. Mais, d’une part, l’UE était censée « protéger » les citoyens face à la dureté de la mondialisation. « Unis, nous sommes plus forts et plus prospères » reste un des slogans favoris des partisans de l’intégration européenne…
D’autre part et surtout, les principes et les politiques de l’UE, qui constituent son ADN, contribuent massivement à appauvrir les peuples, à commencer par la libre circulation des capitaux et le soutien au principe de la concurrence mondiale.
En outre, la gouvernance économique bruxelloise est constituée de règles et mécanismes qui visent à imposer l’austérité – et pas seulement aux Grecs. Le Pacte de stabilité – dont la raison d’être est d’assurer la survie de l’euro – en est l’outil le plus connu. Provisoirement suspendu suite à la débâcle économique post-Covid, il doit à nouveau entrer en vigueur d’ici quelques mois. Les discussions sur sa réforme, théoriquement dans un sens plus souple, patinent. Même si elles aboutissent, il n’y a aucune chance que ce soit vers une relance du pouvoir d’achat des ménages.
Ces derniers, à commencer par ceux en bas de l’échelle, ne sont donc pas au bout de leurs peines. Ils pourront toujours se consoler en contemplant la générosité de l’UE dans un domaine en particulier : le soutien à l’Ukraine.
Le soutien militaire à Kiev a déjà totalisé 5,6 milliards d’euros depuis février 2022
Depuis le déclenchement de la guerre, le total des aides versées par l’Union et ses Etats membres dépasse les 77 milliards. Une somme pharaonique qui inclut le soutien financier macro-économique, humanitaire, et bien sûr militaire. Concernant le premier poste, une nouvelle manne de 50 milliards a été proposée en juin par la Commission pour la période 2024-2027.
Quant au soutien militaire à Kiev, il a déjà totalisé 5,6 milliards d’euros depuis février 2022, selon les chiffres officiels. A cela, il faut ajouter au moins 10 milliards d’euros de livraisons d’armes directes des différents Etats membres sur une base bilatérale. Encore ne s’agit-il là que de chiffres officiels…
Qui a dit que l’UE ne pratiquait que l’austérité ?