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L’Europe veut s’armer : des canons plutôt que des hôpitaux…

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« L’Europe de la Défense » est un vieux serpent de mer. On peut même en situer l’origine en 1954, avec la tentative de constituer la Communauté européenne de défense (CED). Le projet fut à l’époque heureusement torpillé par le Parlement français, où députés communistes et gaullistes (ainsi que quelques autres) joignirent leurs voix pour mettre en échec cette initiative bénie par Washington dans le contexte de la guerre froide.

Il a fallu trois décennies pour que les dirigeants européens essayent de lever à nouveau le tabou. A partir des années 1990, divers projets ont été conçus – comme les groupements tactiques multinationaux (début des années 2000) – mais sans jamais se concrétiser, du fait de l’absence de consensus politique parmi les Etats membres.

A vrai dire, la plupart des dirigeants européens ont fini par se convaincre que l’horizon d’une armée unique intégrée était totalement inatteignable. Leur idée est plutôt de tenter de rapprocher les cultures stratégiques (qui diffèrent complètement d’un pays à l’autre) ; et surtout de mettre l’accent sur la convergence des industries militaires nationales, notamment par le financement communautaire d’achats conjoints. L’argument régulièrement employé pointe la diversité et l’incompatibilité des matériels, et donc l’absence d’économies d’échelle dont souffrirait la production d’armes et de matériels sur le Vieux continent.

Mais deux événements récents ont contribué à la fébrilité et au sentiment d’urgence mis désormais en avant par les partisans de l’intégration européenne : la guerre en Ukraine, et le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

La guerre a donné des ailes aux gouvernements les plus atlantistes. En Pologne, dans les Etats baltes ou dans les pays nordiques, les dirigeants ne cessent de répéter : nous avions raison quand nous alertions sur l’agressivité de la Russie, celle-ci doit être stoppée en Ukraine, sinon, elle va déferler sur les voisins suivants. A force de dénoncer ce « danger », certains ont fini par croire à leur propre propagande, et à en convaincre nombre de leurs collègues.

Intervenant devant un parterre de militaires français, Emmanuel Macron assénait ainsi le 20 janvier : « la ligne de front se rapproche ». Non seulement, il faudrait donc poursuivre les livraisons d’armes et de munitions à Kiev, mais il conviendrait aussi de faire grimper spectaculairement les moyens accordés aux armées des différents Etats membres. En France, la loi de programmation militaire votée il y a dix-huit mois a prévu une hausse des dépenses de plus de 3 milliards par an d’ici 2030. Le maître de l’Elysée laisse désormais entendre que l’enveloppe initialement prévue de 400 milliards d’euros sur six ans, est déjà trop courte.

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