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Le retour aux sources de l’Union européenne, désormais ouvertement sur le pied de guerre

UE OTAN

Une nouvelle fois, les événements diplomatico-militaires s’accélèrent dans le dossier ukrainien. Une nouvelle fois donc, la prudence s’impose avant d’analyser une situation plus mouvante que jamais. Une chose est sûre cependant : l’Union européenne est maintenue hors-jeu – et c’est tant mieux pour la paix.

Ses dirigeants ont beau s’agiter frénétiquement, ils n’ont pas été invités aux réunions qui comptent. Et ils semblent condamnés à la posture qu’ils redoutaient plus que tout : celle de spectateurs.

Pour tenter de conjurer cette déception, ils échafaudent un horizon baptisé « réarmer l’Europe ». Le Conseil européen du 6 mars, avant celui du 20 mars, a validé le principe d’un plan ainsi intitulé que la Commission européenne avait proposé le 4 mars, pour un montant de 800 milliards d’euros. Certaines capitales ont même estimé que ce chiffre astronomique était insuffisant. A l’inverse, le Parlement néerlandais s’est prononcé le 12 mars contre ledit plan, trois des quatre partis représentés au gouvernement rejetant le principe de dette commune.

« Réarmer l’Europe », et non « armer l’Europe ». L’expression a le mérite de rappeler – sans que ses auteurs l’aient voulu, sans doute – les origines de la « construction européenne » : l’intégration de l’Europe (de l’Ouest à l’époque) est née de et dans la guerre froide.

En 1949 était fondée l’Alliance atlantique, sous l’égide des Etats-Unis, suivie un an plus tard du lancement de son outil militaire intégré, l’OTAN. Et c’est également en 1950 que fut prononcée la « déclaration Schuman » : celle-ci marque symboliquement le début du processus d’intégration européenne dont découla le traité de Rome en 1957, fondateur de ce qui se nomma d’abord la Communauté économique européenne (CEE). Dès 1954 avait eu lieu la première tentative d’Europe militaire : la Communauté européenne de défense (CED). Celle-ci fut mise in extremis en échec par le Parlement français où députés communistes et gaullistes unirent leur voix contre ce projet d’inspiration atlantiste.

Mais ses promoteurs ne s’avouèrent jamais vaincus. La CEE (devenue UE) et l’OTAN se développèrent ainsi comme des soeurs jumelles, la seconde réservant naturellement le rôle leader à Washington. Entre les deux institutions, l’ADN était le même, les « élargissements » successifs évoluèrent parallèlement, et les échanges de dirigeants furent nombreux. Un des exemples les plus connus fut incarné par Javier Solana, qui fut successivement secrétaire général de l’OTAN (1995-1999, pendant les guerres de Yougoslavie et les bombardements par les forces de l’Alliance) puis Haut représentant de l’UE (1999-2009) pour la politique étrangère et la défense.

On peut également rappeler que les traités européens successifs citent explicitement l’OTAN comme partenaire privilégié. Et qu’une clause du traité de Lisbonne, qui régit l’actuelle UE, prévoit un engagement militaire automatique des Etats membres au cas où l’un de ceux-ci serait agressé – une clause même plus engageante que son équivalente pour l’Alliance atlantique.

Bref, l’UE n’a jamais été une « union pacifique et bienveillante » que ses propagandistes ont souvent vantée. Les actuelles gesticulations guerrières de Bruxelles ne sont nullement un dévoiement d’un projet généreux, mais le fidèle prolongement de l’Europe politique dès sa naissance.

« Les Américains ont encouragé la construction de l’Europe pour s’assurer des débouchés et endiguer le communisme »

Et on peut être reconnaissant à Donald Trump d’avoir involontairement provoqué des aveux intéressants à cet égard. Lors de l’une des déclarations provocatrices dont il a le secret, le président américain, afin de justifier sa politique de droits de douane frappant des marchandises européennes, avait estimé que l’UE avait été fondée pour « arnaquer » les Etats-Unis.

Outrés, des dirigeants et grands médias pro-UE ont crié au scandale, et rappelé – à juste titre ! – que l’intégration européenne avait vu le jour à l’initiative et sous l’égide de Washington. Ainsi, l’éditorialiste du Monde notait-il (11/03/2025) que dès l’origine « les Américains ont encouragé la construction (de l’Europe) pour s’assurer des débouchés et endiguer le communisme ».

Ce rappel est le bienvenu car il tranche avec une propagande qui a souvent présenté l’UE comme une manière de faire contrepoids aux Etats-Unis et de s’affranchir de leur tutelle. En France notamment, ce fut l’un des thèmes qu’utilisèrent les partisans du Oui lors des référendums sur le Traité de Maëstricht (qui gagna de justesse en 1992) puis sur le Traité constitutionnel (qui fut largement refusé en 2005).

Il aura donc fallu une guerre pour que certains chefs européens, piqués au vif, étalent leur nostalgie atlantique en évoquant les liens originels entre fidélité à l’Oncle Sam et Union européenne ; et que celle-ci, désormais en recherche désespérée de puissance militaire, révèle ouvertement sa vraie nature…

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